Il est arrivé par les crêtes du Jura avec les premières neiges, l’ami Rigaux. L'air un peu ébouriffé, bon pied, bon œil, toujours partant quand il s’agit, verre à la main, de déchiffrer le vitrail des grands climats bourguignons. Il est vrai que le titre de la soirée – Gloire du Chambertin et Clos de Bèze – claque comme un vent de liberté dans les voiles de chacun. Le public est là, venu de tout près ou de l’autre bout de la Suisse. C’est que notre gourmet géo-sensoriel a de nombreux adeptes, qui guettent avec impatience les dates de ses prochaines conférences.
La dégustation
Chambertin Clos de Bèze 1995 Bruno Clair
Jacky Rigaux : 1995, c’est considéré comme un grand millésime, pas de pourriture, grâce à l’effet millerandage au moment de la floraison.
Chambertin Clos de Bèze 1995 Robert Groffier
Entendu dans le public…
Témoin no 1 : C’est un vin, on ne peut pas le quitter, on ne peut pas le lâcher, et il nous as quittés aussi. On ne pourra jamais faire le deuil de ce vin.
Entendu dans le public…
Témoin no 1 : il est calqué sur l’apparition de la lumière, c’est un zéphyr !
Vous écrivez des poèmes vous aussi ? lui demande Jacky Rigaux – Non… – Et bien, allez-y !
Témoin no 1 : il est plus ferme, plus rude, plus long, il monte en puissance par rapport au Clos de Bèze !
Chambertin 2006 Rossignol-Trapet
Belles notes poivrées. Floral. Très beau profil. Belle bouche, avec de la densité. Le tanin est ferme, avec une légère rugosité. On sent une belle matière première mais il n’a pas la grâce, la noblesse de texture des deux précédents.
Chambertin 2006 Domaine Jean-Louis Trapet
Entendu dans le public…
Témoin no 1 : la sensualité est moins mise en avant que sur les deux vins de Rousseau.
Témoin no 2 : chacun décuple son plaisir où il veut, moi j’aime bien le décupler sur la finale, sur le Trapet, on a une finale très symphonique.
Témoin no 3 : il offre un équilibre de trapéziste...
Entendu dans le public…
Témoin no 1 ce côté aldéhydique est bien présent mais il va passer. C’est toujours comme ça avec les vins de Prieuré-Roch, ils paraissent morts-nés et puis, au vieillissement, ils se reprennent, ils reviennent sur l’autre versant et sont splendides
Témoin no 2 il faut croire à la magie ! ça me rappelle une soirée à l’Albert 1er à Chamonix où Michel Bettane avait longuement évoqué ce « style »
2008 est un millésime sauvé par le vent du nord, précise Jacky. S’il n’y avait pas eu le vent du nord, le millésime aurait été plus difficile.
Sur ces impressions foisonnantes, les uns ont repris le train, la voiture. D’autres sont partis à pied, dans la nuit, méditant cette définition de Roupnel l’inspiré : »il mêle la grâce à la vigueur, il associe la fermeté et la force à la finesse et à la délicatesse, et toutes ces qualités contraires, conciliées entre elles et lui, lui composent l’admirable synthèse d’une générosité unique et d’une vertu complète. Le Clos de Bèze est à lui seul tout le grand bourgogne possible. »
Jacky, lui, a repris la route direction Arbois, puis Dijon. Certains fument le cigare après une telle dégustation. Personnellement, j’avais envie de cacao. Ça tombait bien : un participant – grand merci à lui ! – m’a offert quelques « bonnes feuilles » de chocolat de Walden à Neuchâtel. Admirable. Telle est la vie.
10 Comments
Quelle belle soirée !
Et dire que je vais louper Belluard et Grisard !
J’en attends un rapport tout aussi circonstancié !
Une pensée iconoclaste , du style 1+1 = 3
Si on assemble à 50/50 du Chambertin et du Clos de Bèze : on aboutit à nirvana ou à la fameuse phrase d’un grand briton qui, en dégustant à l’avuegle, devant un tel acte équivalent (de barbarie ?) aurait dit : "ce vin n’existe pas !"
Va savoir Charles !
Tu vas nous manquer, François !
Belle soirée et Jacky en forme (super photo de lui, plus haut).
Ce soir là mes deux préférés furent le Mortet (le meilleur vin que j’ai bu de lui à ce jour je pense, la plus belle texture de la soirée) et le Chambertin Rousseau, dans un tout autre style.
A ce sujet, chez Rousseau, à ce jour, TOUJOURS été plus émotionné par le Chambertin (ou Clos St Jacques) que par le Clos de Bèze : c’est grave ?
"A ce sujet, chez Rousseau, à ce jour, TOUJOURS été plus émotionné par le Chambertin (ou Clos St Jacques) que par le Clos de Bèze : c’est grave ?"
Bah, parait que ça soigne, mais faudrait en goûter plus souvent !
😉
Le témoin n°1 du Prieuré-Roch, c’est le docteur non ?
Gagné. Mais facile à trouver…
Pour Rousseau, tu sais qui motiver…
😉
Prieuré-Roch Bèze 1997 bu au domaine : grand pinot, profond, pur … une claque, dans ce style alternatif (qui ne me plaît pas à chaque voyage) !
Rousseau est énorme sur Bèze, Chambertin et St-Jacques :
http://www.invinoveritastoulouse...
La RVF regrette "une pointe de volatile recherchée par le maître des lieux" …
Pas clair du tout pour moi.
Si vous venez manger à la maison, les Nicolas, je vous en proposerai.
On pourra coller un Gamay aussi, pour comparer.
Bèze 2007, sorry
En élevage, parfois il y’en a, de la volatile, sur les Rousseau. Ou plus précisément de l’acescence.
Mais j’avoue qu’en bouteille, je n’ai jamais été gêné par cela. C’est même plutôt l’inverse. Fruit assez pur, avec – on le sent – un souci de préserver cette fraîcheur, y compris je pense par des vendanges pas trop tardives.
Ceci dit, Eric avoue volontiers avoir encore une marge importante de progression, notamment à la vigne où il regrette que les sols aient été beaucoup trop abîmés ces 50 derniers années par les produits… c’est ce qu’on appelle de l’humilité… et de la lucidité…
Merci pour ces informations, Nicolas.
Quel patrimoine exceptionnel de vignes pour ce domaine …
Et le Clos St-Jacques 2003 bu à l’Astrance allait haut en sensualité.
Le vin de Mortet que j’ai préféré est le Chambolle Beaux Bruns 1999 (il est vrai que ce n’est pas Gevrey).
Pureté de druit, soyeux, finesse de grain magistrale …
Pas goûté de millésimes récents.
Hier soir, une Côte-Rôtie Les Bécasses 2010 de Chapoutier, lourde, caramélisée … quel gâchis !
Ah ! si Camus pouvait bosser comme Rousseau !…
(Denis n’aimait pas ses 99, pour info… euphémisme…)
Et quand le pinot noir prend un peu d’âge, d’arômes d’évolution …
Aujourd’hui, j’aimerais avoir qq Bèze et Chambertin 1990 de Rousseau dans ma cave (i y a peu, trouvé les Chambertin 2004 et 2002 de Rousseau trop jeunes).